L’économie du don

Photo par Kasturi Laxmi Mohit sur Unsplash
4 juin 2020

Écrit par Luiza Oliveira et Pimenté par Lucía Requejo

 

La première fois que j’ai entendu parlé de l’économie du don (gift economy) c’était en 2012, lorsque  j’ai vu la présentation de Nipun Mehta sur TEDx, en Berkley, sur le design pour la générosité (Designing for Generosity).

Nipun Mehta est le fondateur de ServiceSpace, un réseau de bénévoles qui développe divers  projets sur la base de l’économie du don, dont le Karma Kitchen.

Karma Kitchen est une expérience sociale sur la générosité sous la forme de restaurant “payer à l’avance” (Pay it Forward* Restaurant). Dans ce restaurant, il n’y a pas de prix sur le menu, chaque personne de l’équipe est bénévole, et à la fin du repas sur l’addition on reçoit un ticket où il est affiché:


Total : 0,00

Dans un esprit de générosité, quelqu’un.e qui est venu.e avant toi a fait un don pour ce repas. Maintenant, tu as l’opportunité de payer en avance pour un.e futur.e convive et de contribuer au cercle du don.

 

Photo par Luiza Oliveira

Ce projet a démarré en 2007, avec un groupe de ami.es qui on fait un expérience avec un restaurant local en Berkeley, en Californie, où ils ont occupé l’espace à l’aide  uniquement des bénévoles pour une après-midi et ils se sont aventurés à faire un essai de ce modèle économique, pour voir comment comme ça marcherait. 

À la fin de la journée, ils avaient couvert toutes les dépenses et ils ont décidé de refaire l’expérience. Aujourd’hui, Karma Kitchen ouvre une fois par mois et ils ont déjà servi plus de 26 000 repas. 

Aller à la découverte de l’économie du don et le projet Karma Kitchen m’ont beaucoup inspirée. Et ce type de démarche me semblait une étape importante vers un paradigme que me tient toujours plus à coeur. À l’époque, la permaculture était un concept encore très nouveau pour moi, mais j’avais déjà l’impression que ce modèle économique allait mener vers une culture plus saine, plus juste, plus régénératrice.

Inspirée par cette présentation, j’ai décidé de creuser le sujet, et c’est à ce moment-là que j’ai découvert le livre “L’Économie Sacrée: argent, don & la société à l’ère de la transition” (livre en anglais) par Charles Eisenstein.

Au fur et à mesure, j’ai commencé à faire quelques essais, et j’ai observé que je  me sentais de plus en plus rassurée par ce modèle. 

En 2013, avec l’association Pacicultura dont je faisais partie, nous avons organisé une conférence de 7 jours, sur la thématique des Infrastructures pour la Paix, et nous avons eu l’audace de la mettre en place basée exclusivement sur l’économie du don, ouverte à tout le monde. Cette conférence était la sixième édition de un série de conférences de GAMIP (Global alliance of Ministries and Infrastructures for Peace) en partenariat avec UNOY (United Network of Young Peacebuilders) et Pacicultura, où nous étions responsables de la conception et logistique de cette édition en tant qu’association locale. La conférence s’intitulait était Un Nid pour la Paix : La création des infrastructures pour soutenir la diversité (document en anglais).

La conférence a été un super événement et une magnifique apprentissage. J’ai pris connaissance qu’un nouveau modèle de société était possible, et, en même temps, j’ai reconnu qu’à ce moment-là  je n’avais pas encore assez d’outils pour vivre comme ça exclusivement.

À ce moment-là, j’ai compris que je voulais mieux comprendre et développer des outils et des stratégies dans ma vie pour mettre en place cette transition vers une culture régénératrice possible pour moi, pour ma famille et au-delà.

Ensuite à cette conférence, j’ai démarré la phase de transition vers la transition socio-écologique de façon plus pro-active dans ma vie. J’ai commencé à étudier le sujet en profondeur  et j’ai commencé mes formations perma et mon diplôme en permaculture.

En 2018, je suis allée au Karma Kitchen à Berkeley. J’ai eu le plaisir de bien manger et de rencontrer Audrey, Richard et Anand, des bénévoles qui ont partagé avec moi leurs expériences avec ServiceSpace, Karma Kitchen et leur réseau. Pendant cette même semaine, j’ai eu le plaisir de prendre un café avec Nipun Mehta, et le mot “inspiration” n’est pas assez précis pour décrire la richesse du moment que j’ai pu vivre.

Visite au Karma Kitchen 

Ces rencontres-là ont été un vrai cadeau ! C’était presque magique de rencontrer ces personnes, leurs projets, leurs apprentissages, leur rêves. Ces échanges m’ont vraiment nourrie l’esprit et m’ont encore plus inspirée à continuer dans ma démarche, un pas à la fois.

Dans une société habituée à poser un prix surtout, à mettre sa tête à prix, où la compétition et la loi du marché semblent être la normalité, l’économie du don vient briser cette inertie et réveille nos pensées sur combien on peut et/ou on aimerait contribuer à telle expérience, démarche, groupe. 

Quels sont les vrais prix dont chaque chose recèle (les prix visibles, les prix invisibles et les prix rendus invisibles). L’économie du don rend les services et les produits accessibles à tou.te.s, et en  même temps elle donne la possibilité à celui qui peut de sortir de son état d’habitude et à donner une valeur qui lui correspond.

L’économie du don nourrit l’entraide, et elle nous rappelle, que la vrai loi de la jungle c’est de la collaboration, du soutien, de l’échange, de la co-création et de l’émergence des nouvelles réalités.

Notes :

* Pay it Forward est l’idée est qu’au lieu de « rembourser », remercier, les gens qui vous ont aidé, on reporte cette générosité à une prochaine personne et/au sur les générations futures.